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Avis de la Commission des participations et des transferts n° 2006-AC-6 du 28 décembre 2006 relatif à une augmentation de capital de Thales réservée à Alcatel-Lucent


NOR : ECOT0651088V



La commission émet l'avis suivant :

I. - Par lettres en date du 24 avril 2006 et du 7 décembre 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission, en application de l'article 3 de la loi no 86-912 du 6 août 1986 modifiée, en vue d'autoriser une augmentation de capital de Thales réservée à Alcatel-Lucent dans le cadre d'un accord de coopération industrielle et commerciale entre les deux groupes.

Ce transfert est réalisé dans le cadre du titre II de la loi du 6 août 1986 modifiée susvisée, Thales constituant un actif essentiel de TSA au sens de l'avis du Conseil d'Etat no 360 052 du 17 décembre 1996 relatif aux modalités de privatisation de Thomson CSF.

Aux termes des dispositions de l'article 4 de la loi du 6 août 1986, la procédure suivie pour cette opération étant celle d'une cession de gré à gré dans le cadre d'un « accord de coopération industrielle, commerciale ou financière », la commission est appelée à rendre un avis, dont la conformité est requise, sur le choix de l'acquéreur et sur l'ensemble des conditions de sa prise de participation.

En application de l'article 1er (1°) du décret no 93-1041 du 3 septembre 1993 modifié, un avis relatif au projet a été publié au Journal officiel du 12 décembre 2006. La commission a été informée que cette publication n'a pas suscité de réaction.

II. - Thales est un groupe d'électronique professionnelle qui exerce ses activités de façon complémentaire dans le civil (environ un tiers du chiffre d'affaires) et le militaire (deux tiers). Il est particulièrement tourné vers l'international, réalisant 70 % de son chiffre d'affaires à l'étranger, principalement en Europe. Le Royaume-Uni constitue le premier marché extérieur depuis l'acquisition de Racal. Le groupe emploie plus de 53 000 personnes.

Thales est organisé en six grandes divisions :

- « aéronautique » (22 % du chiffre d'affaires) qui propose des équipements et des systèmes embarqués civils et militaires ;

- « systèmes aériens » (14 %) qui propose des solutions de sécurité globale de l'espace aérien (notamment via Galileo) ;

- « systèmes terre et interarmées » (23 %) qui propose des systèmes globaux intégrés de renseignement, de communication et de commandement ;

- « naval » (16 %) qui propose des équipements de détection et de communication, des systèmes de combat et la maîtrise d'oeuvre de navires armés, division dont le développement devrait se concrétiser dans le rapprochement avec DCN ;

- « sécurité » (12 %) qui propose des systèmes destinés à la sécurité intérieure, publique et privée ;

- « services » (12 %) qui regroupe la simulation et la formation de pilotes aériens, le conseil en organisation, la gestion d'actifs immobiliers et des services informatiques.

Après la forte hausse de l'activité au cours des années 1999 à 2002, le chiffre d'affaires a baissé en 2003 et s'est stabilisé depuis lors. Son montant a été de 10,3 milliards d'euros pour l'exercice 2005. L'année 2005 s'est toutefois caractérisée par une nette reprise des commandes (en hausse de 36 % sur 2004), tant du fait de grands contrats surtout navals (frégates franco-italiennes FREMM et sous-marins Scorpene pour l'Inde) mais aussi aéronautique (programme britannique Watchkeeper) que de la progression de commandes unitaires moins élevées, notamment dans la division « sécurité ».

Thales applique les normes comptables européennes IFRS depuis le 1er janvier 2005 et a retraité ses comptes de l'exercice 2004 selon ces nouvelles normes.

Le résultat opérationnel courant de 2005 enregistre une amélioration de 3 % à 722 millions d'euros alors que le résultat opérationnel (EBIT) diminue à 549 millions (- 4 %) du fait du doublement des coûts de restructuration. Le résultat net, part du groupe, s'élève à 334 millions (+ 3 %).

Les capitaux propres consolidés du groupe Thales sont de 2,1 milliards au 31 décembre 2005. La dette nette d'un montant de 398 millions est en forte baisse (- 54 %).

Les résultats du premier semestre 2006 confirment les évolutions constatées en 2005 : quasi-stabilité du chiffre d'affaires (+ 2 % par rapport au premier semestre 2005), augmentation du résultat opérationnel courant (+ 7 %), baisse du résultat opérationnel (- 6 %), hausse du résultat net (+ 5 %). Les commandes durant la période sont à nouveau en nette augmentation (+ 12 %). La dette nette s'élève à 676 millions d'euros, en augmentation par rapport au 31 décembre 2005 du fait de la saisonnalité.

Le chiffre d'affaires au 30 septembre des neuf premiers mois de l'exercice 2006 est en hausse de 4 % par rapport à la même période de l'année 2005. Cette évolution globale est contrastée suivant les divisions, la plupart progressant nettement alors que la division « naval » est affectée fortement par la fin des facturations du programme de frégates Sawari 2 pour le Royaume d'Arabie saoudite.

III. - Alcatel vient de finaliser sa fusion avec la société nord-américaine Lucent, donnant naissance au leader mondial des technologies de communication. Le nouvel ensemble, Alcatel-Lucent, qui compte 79 000 salariés dans le monde, comprend cinq groupes d'activités :

- trois d'entre eux, « mobile », « fixe » et « convergence », visent à répondre aux besoins des opérateurs de télécommunications ;

- le groupe « services » conçoit, déploie, gère et assure la maintenance de réseaux ;

- le groupe « entreprise » vise à répondre aux besoins en information des sociétés de tous secteurs.

L'activité est globalement répartie pour un tiers en Europe, un tiers en Amérique du Nord et le dernier tiers dans le reste du monde. Héritant des capacités d'Alcatel et de Lucent (notamment les laboratoires Bell Labs), le nouveau groupe dispose d'un potentiel de recherche très important.

Selon les comptes combinés non audités établis d'après les normes IFRS au 31 décembre 2006 (hors activités cédés à Thales) et publiés dans la note d'information sur l'opération de fusion, le groupe Alcatel-Lucent a réalisé en 2005 un chiffre d'affaires de 18,6 milliards d'euros et une marge brute de 7 milliards. Le résultat de l'activité opérationnelle est déficitaire de 110 millions d'euros et le résultat net, part du groupe, est bénéficiaire de 710 millions. Les capitaux propres consolidés, part du groupe, s'élèvent à 18,5 milliards d'euros (dont 11 milliards de « goodwill » résultant de la fusion).

IV. - Les groupes Thales et Alcatel ont annoncé début avril 2006 leur volonté de renforcer leur coopération, notamment à travers l'apport par Alcatel à Thales de ses activités dans les domaines des transports et de la sécurité (TSD et une partie de ISD) ainsi que la cession des activités spatiales (participations d'Alcatel dans AAS et Telespazio). Les éléments apportés ou cédés sont décrits au point V du présent avis. Les parties ont ensuite entrepris une phase d'examen (« due diligence ») qui s'est conclue avec la signature définitive de l'accord de transfert d'actifs début décembre 2006.

Les termes financiers de l'opération sont les suivants :

- l'apport des activités de transport et de sécurité sera rémunéré par l'émission de 25 millions d'actions nouvelles de Thales en faveur d'Alcatel-Lucent, complétée par un versement en numéraire de 40 millions d'euros. Les actionnaires de Thales seront amenés à se prononcer sur l'augmentation de capital réservée à Alcatel-Lucent lors d'une assemblée générale extraordinaire qui a été convoquée pour le 5 janvier 2007 ;

- la cession des activités spatiales sera rémunérée par un versement en numéraire à Alcatel-Lucent d'un montant de 670 millions d'euros. Une clause de complément du prix est incluse au début de 2009 sur la base d'une évaluation qui sera conduite par un expert indépendant.

La Commission européenne ayant décidé fin novembre d'approfondir son examen (ouverture de la « phase 2 » de la procédure) des problèmes de concurrence liés à l'acquisition par Thales des activités spatiales, ce deuxième élément de l'opération est de ce fait soumis à une condition suspensive.

Les conditions de transfert des actifs, et les garanties que s'accordent les parties, ont fait l'objet d'un contrat (« Master agreement ») qui a été communiqué à la Commission des participations et des transferts.

La répartition du capital de Thales avant l'opération est la suivante :

- Etat (principalement via TSA, détenu à 100 %) : 31,3 % des actions (44,4 % des droits de vote) ;

- Alcatel : 9,5 % des actions (13,4 % des droits de vote) ;

- Dassault : 5,7 % des actions (4,1 % des droits de vote) ;

- salariés : 4,6 % des actions (3,3 % des droits de vote) ;

- public : 47,1 % des actions (34,8 % des droits de vote) ;

- autocontrôle : 1,8 % des actions.

A l'issue de l'augmentation de capital réservée à Alcatel, l'Etat détiendra 27,3 % des actions (40,3 % des droits de vote) et Alcatel 21 % des actions (21,6 % des droits de vote).

L'ensemble de l'opération a fait l'objet d'un accord de coopération qui décrit de façon plus générale l'ensemble des relations entre Thales, Alcatel-Lucent et TSA. Un nouveau pacte d'actionnaires entre Alcatel-Lucent et TSA a été conclu, le groupe Dassault se retirant du précédent pacte conclu en 1998. Par ailleurs, l'Etat, par des accords avec Alcatel-Lucent et Thales, a précisé et complété le dispositif de protection des intérêts de la défense nationale dans Thales.

La commission a eu communication de l'ensemble de ces actes qui sont décrits aux points VI et VII du présent avis.

V. - Les actifs dont l'apport ou la cession à Thales par Alcatel-Lucent sont prévus comprennent quatre éléments.

Le premier consiste dans la division « Transport Solution Division » (TSD) spécialisée dans les systèmes intégrés de signalisation pour transport ferroviaire (trains interrégionaux et à grande vitesse) et réseaux urbains (métros, trains interbanlieues). TSD est leader dans les systèmes électroniques d'aiguillage et de contrôle des trains. Présent en Europe, en Amérique du Nord et en Chine, il se classe au deuxième rang mondial avec 14 % du marché et un chiffre d'affaires de 695 millions d'euros en 2005. Son carnet de commandes est en croissance sur les dernières années, particulièrement dans les transports urbains. TSD emploie 3 250 personnes.

Le deuxième élément est constitué par des activités de la division « Integration Services Division » (ISD). Les produits proposés sont la conception et la construction de réseaux d'information ainsi que l'intégration de systèmes et de logiciels. Les marchés visés concernent surtout les secteurs des transports (aéroports et réseaux ferrés), de l'énergie (pétrole et gaz), de la sécurité et les administrations publiques. L'activité de ISD destinée aux opérateurs de télécommunications, ou principalement liée à des services de communication, est conservée par Alcatel. Le chiffre d'affaires des activités de ISD apportées à Thales s'élève à environ 200 millions d'euros et elles concernent 520 salariés.

Le troisième élément est « Alcatel Alenia Space » (AAS), co-entreprise (« joint-venture ») qui a résulté en 2005 de la fusion des activités spatiales d'Alcatel et de Finmeccanica et dans laquelle Alcatel détient 67 %. AAS conçoit et fabrique des satellites ainsi que des systèmes liés. Il est le leader mondial dans les segments des satellites commerciaux (télécommunications) et des satellites d'observation scientifique et météo, et le leader européen pour la fabrication de systèmes. Les marchés sur lesquels est présent AAS devraient croître dans les années à venir, mais la concurrence y est intense. AAS a réalisé un chiffre d'affaires de 1,5 milliard d'euros en 2005 et emploie 7 200 personnes.

Le dernier élément est Telespazio, co-entreprise qui résulte comme AAS du rapprochement d'Alcatel et de Finmeccanica et dans lequel Alcatel détient 33 %. Telespazio est un des leaders mondiaux dans la fourniture de services pour les satellites : observation, contrôle et suivi des satellites, distribution de capacités satellitaires, navigation. Ses clients sont notamment des chaînes de télévision. Il participe au programme Galileo. Telespazio a réalisé en 2005 un chiffre d'affaires de 339 millions d'euros et emploie 1 330 personnes.

Thales, qui participe lui-même au programme européen Galileo, a accepté, dans le cadre de l'accord qui a été obtenu de Finmeccanica sur l'opération, que soit cédée la participation que détient Alcatel Alenia Space dans Galileo Industries à Finmeccanica.

VI. - L'accord de coopération signé entre Thales, Alcatel-Lucent et TSA, prenant acte d'une même vision stratégique des parties, vise à poursuivre et à approfondir l'accord précédent mis en place en 1998.

Ses principales dispositions concernent la coopération entre Alcatel-Lucent et Thales :

- en matière de recherche-développement, particulièrement dans les télécommunications et les systèmes d'information critiques ;

- dans les fonctions de support (achats, informatique) ;

- dans le domaine commercial sur l'ensemble de leurs métiers, en vue, en particulier, de bénéficier de leur présence internationale respective ;

- afin de favoriser la mobilité du personnel entre les deux groupes ;

- souscription par Alcatel-Lucent et Thales d'un certain nombre d'engagements de non-rétablissement et de non-concurrence.

Un comité de pilotage est institué entre Alcatel-Lucent et Thales en vue de définir les orientations stratégiques de la coopération et de procéder à un examen préalable de tout différend.

La commission constate que l'accord qui lui est présenté est bien un « accord de coopération industrielle, commerciale ou financière » au sens de l'article 1er (1°) du décret du 3 septembre 1993 susvisé.

VII. - Dans le même temps, le pacte d'actionnaires relatif à Thales (le « grand pacte ») a été refondu et il est désormais limité à TSA et à Alcatel-Lucent qui devient seul partenaire industriel, la société Groupe industriel Marcel Dassault (GIMD) et Alcatel-Lucent ayant décidé de résilier le pacte (le « petit pacte ») qui les liait depuis 1998.

Le pacte d'actionnaires entre TSA et Alcatel-Lucent est conclu jusqu'au 31 décembre 2011. Par rapport à celui de 1998, il est complété notamment afin d'y inclure des mécanismes de règlement des situations de blocage qui pourraient survenir sur les décisions stratégiques majeures pour lesquelles Alcatel-Lucent dispose d'un droit de veto. Il donne à l'Etat la possibilité dans un tel cas de résilier unilatéralement le pacte après une période de concertation.

Par ailleurs, l'Etat a souhaité, en plus de l'action spécifique dont il dispose au capital de Thales, compléter la protection des intérêts stratégiques nationaux dans Thales.

Ont ainsi été conclues :

- une convention entre l'Etat et Thales qui prévoit l'agrément préalable de l'Etat, au regard des intérêts nationaux, en cas de cession par Thales de filiales ou divisions stratégiques, ou en cas de délocalisation hors du territoire français d'actifs sensibles de ces filiales ou divisions ;

- une convention entre l'Etat et Alcatel-Lucent qui vise à protéger Thales de toute influence d'intérêts nationaux étrangers dans sa gouvernance et ses activités, notamment par une restriction de l'accès à l'information, limitée chez Alcatel-Lucent à des ressortissants de l'Union européenne. En cas de manquement ou au cas où l'application d'une loi étrangère serait susceptible de compromettre substantiellement la protection des intérêts stratégiques de la France, l'Etat pourra mettre fin aux droits spécifiques d'Alcatel-Lucent, lui demander de suspendre une partie de ses droits de vote ou de céder une partie de sa participation dans Thales.

VIII. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation des termes financiers de l'opération projetée en recourant à une analyse multicritère qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.

Pour son analyse, la commission a disposé des rapports des banques conseils de l'Etat, de Thales et d'Alcatel-Lucent. Ces trois rapports procèdent à l'évaluation de Thales et des éléments apportés ou cédés à Thales par Alcatel-Lucent selon les méthodes usuelles.

S'agissant de l'évaluation de Thales, les banques conseils ont eu recours aux méthodes suivantes :

- l'actualisation des flux disponibles de trésorerie, sur la base d'un plan d'affaires 2006-2008 établi par Thales, éventuellement prolongé par les banques, et d'une valeur terminale calculée à partir d'une année normative à laquelle est appliqué un taux de croissance perpétuel ;

- les comparaisons boursières : les multiples moyens des sociétés cotées comparables ont été appliqués aux agrégats financiers de Thales. Les banques conseils ont retenu comme comparables des sociétés européennes et américaines actives dans le secteur civil ou militaire et elles ont privilégié la référence aux sociétés européennes. Les multiples d'EBITDA et d'EBIT ont été principalement retenus, sur les années 2006 et 2007. La banque conseil de l'Etat a également étudié les multiples de transactions comparables récentes en Europe et aux Etats-Unis.

Les banques conseils ont par ailleurs pris en compte les moyennes de cours de bourse de Thales sur différentes périodes ainsi que les cours cibles publiés par les analystes.

L'ensemble des résultats de ces méthodes est largement convergent.

S'agissant des éléments apportés ou cédés à Thales par Alcatel-Lucent, les banques conseils ont utilisé les méthodes suivantes :

- dans tous les cas, l'actualisation des flux disponibles de trésorerie, sur la base de plans d'affaires établis par Alcatel et révisés après l'accomplissement des « due diligences » ;

- les multiples boursiers ont été appliqués à chaque fois que cela était possible : à défaut de société cotée jugée suffisamment comparable, deux des banques n'ont pas appliqué cette méthode à Telespazio et l'une d'entre elles ne l'a pas appliquée non plus à ISD ;

- la méthode des multiples de transactions comparables n'a été appliquée dans tous les cas que par la banque conseil de l'Etat, l'une des autres banques l'ayant appliquée à TSD et AAS.

L'ensemble des résultats de ces méthodes est largement convergent.

Les banques conseils concluent que les valeurs retenues dans la transaction sont en ligne avec leurs travaux d'évaluation, la valeur retenue pour les actifs acquis par Thales étant plutôt dans le bas de la fourchette d'évaluation et la valeur retenue pour Thales dans le haut de la fourchette de la banque conseil de l'Etat.

IX. - La commission note que l'évaluation des actifs apportés ou cédés à Thales par Alcatel-Lucent a donné lieu à des travaux approfondis entre les parties, grâce notamment aux procédures de « due diligence ». Les travaux des banques conseils confirment que les valeurs retenues s'inscrivent, pour Thales et pour ses actionnaires, dans des fourchettes d'évaluation prudentes. S'agissant plus particulièrement des activités « espace », la commission note que la valeur retenue dans l'accord est très prudente et prend bien en compte l'incertitude qui caractérise un secteur très compétitif. De ce fait, les parties ont retenu un mécanisme de complément de prix à payer par Thales pour AAS sur la base d'une évaluation début 2009, par rapport aux hypothèses du plan d'affaires, qui sera réalisé par un expert indépendant. Thales pour sa part obtient une garantie sur les conséquences d'un éventuel abandon de certains programmes. L'ensemble de ces dispositions paraît équilibré. L'hypothèse a été faite que les ajustements éventuels imposés par la Commission européenne, pour l'acquisition des activités satellitaires, se feraient dans des conditions financières neutres sur le bilan de l'ensemble de l'opération.

S'agissant de Thales, la Commission des participations et des transferts note que la valeur de référence de l'action retenue dans l'accord respecte la valeur de l'entreprise, tant sur la base des méthodes d'évaluation intrinsèques présentées par les banques conseils (actualisation des flux et comparables boursiers) que par rapport au cours de bourse puisqu'elle se situe dans le haut de la fourchette de cours atteint durant les douze derniers mois. Sur cette période, le cours de Thales s'est situé jusqu'au début du printemps 2006 dans la fourchette de 35 à 40 euros, plus haut niveau atteint depuis 2002. Il s'est ensuite fortement replié jusqu'au début de l'été, se situant en juin au-dessous de 30 euros. Depuis lors, avec l'ensemble du secteur, l'action a régulièrement augmenté pour retrouver un niveau supérieur à 35 euros sur les dernières semaines. Globalement, l'action a toutefois sous-performé sur la période par rapport à l'indice CAC 40 et à l'indice DS Aero/Défense.

En termes financiers, la réalisation de l'ensemble de l'opération (apports et cessions), qui doit être considérée comme un tout, respecte les intérêts patrimoniaux de l'Etat. Cette conclusion est renforcée si l'on prend en compte les synergies opérationnelles que l'acquisition des actifs devrait permettre à Thales de dégager et qui ont fait l'objet d'une estimation par les banques conseils.

La commission a également examiné le cas où la cession des activités satellitaires ne se ferait finalement pas, faute d'accord de la Commission européenne. Elle a conclu que l'opération reste équilibrée dans ce cas, y compris en incluant l'indemnité que Thales s'est engagé à verser à Alcatel-Lucent dans une telle hypothèse.

De façon plus générale, la commission observe que l'accord de coopération entre Thales et Alcatel-Lucent présente pour Thales et son premier actionnaire l'Etat plusieurs avantages :

- il consolide la position du groupe Thales sur ses marchés et conforte son implantation multidomestique, tout en lui ouvrant, dans les satellites, la possibilité d'accéder à des contrats stratégiques majeurs. Thales se trouve ainsi mieux positionné dans l'éventualité d'une consolidation européenne du secteur ;

- il devrait permettre à Thales et Alcatel-Lucent de développer leurs échanges en matière de recherche et d'assistance commerciale ;

- il clarifie et conforte la structure de l'actionnariat de Thales dont le premier actionnaire est l'Etat et le partenaire industriel est Alcatel-Lucent, tout en prenant les précautions nécessaires à la sauvegarde des intérêts stratégiques nationaux.

Sur ce dernier point, la commission note que l'opération a constitué l'opportunité pour l'Etat de mettre en oeuvre par voie contractuelle des dispositions plus complètes de protection des intérêts nationaux.

La commission estime qu'au total l'opération qui lui a été présentée respecte les intérêts patrimoniaux de l'Etat et est favorable aux intérêts de la défense nationale.

Pour tous ces motifs, et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, la commission émet un avis favorable à l'opération qui lui a été présentée ainsi qu'au projet d'arrêté annexé au présent avis.